Le vieillissement de la population

sur Aspects economiques 2 comments

Le vieillissement de la population est une donnée majeure de notre société qui donne des cheveux blancs aux économistes de la santé et qui va peser lourd dans le monde qui vient.

On peut se poser toutefois plusieurs questions : est-ce inéluctable, et jusqu’où les limites de la longévité vont-elles être repoussées ? Quelles sont les conséquences éthiques de ce vieillissement ? N’y a t-il pas un moyen pour transformer ce vieillissement en un atout ?

Les constats

En 2050, il devrait y avoir 70 millions d’habitants, soit 9,3 millions de plus qu’en 2005. La population augmenterait sur toute la période, mais à un rythme de moins en moins rapide. En 2050, un habitant sur trois serait âgé de 60 ans ou plus, contre un sur cinq en 2005. La part des jeunes diminuerait, ainsi que celle des personnes d’âge actif. En 2050, 69 habitants seraient âgés de 60 ans ou plus pour 100 habitants de 20 à 59 ans, soit deux fois plus qu’en 2005.(Sources Insee 2011)

  • La moyenne d’âge augmente, il y aura à terme de plus en plus de personnes âgées inactives au détriment des personnes jeunes actives.
  • Or, on ne peut que craindre une récession économique. Moins d’actifs cotisants, plus de retraités, le modèle économique des trente glorieuses ne tient plus, sauf si l’on travaille plus longtemps en touchant moins de retraite.
  • La longévité augmente, on vit de plus en plus vieux et en bonne santé, tant mieux ! Mais cet allongement a une limite, et la « fabrication » grâce à la prévention d’une génération  importante de personnes âgées va augmenter mécaniquement le nombre de personnes atteintes de polypathologies, même si l’on repoussera sans cesse plus loin la limite de cet âge. Ce qui posera pour la société un problème de prise en charge médicale et de financement , et pour les individus un problème de survie.
  • Pour survivre dans un contexte économique défavorable tel qu’il semble se présenter, il va falloir impérativement rester valide et actif économiquement beaucoup plus longtemps. Rester en bonne santé, qui devient peu ou prou un devoir social, va devenir en plus une condition nécessaire à la survie.
  • La question de la fin de vie devient alors encore plus d’actualité, car on ne sait pas ce qui se passera pour ceux qui ne pourront assurer leur subsistance pour n’avoir pas pu ou su rester en bonne santé. L’augmentation du nombre de femmes âgées parmi les SDF, est un indicateur qui préfigure peut-être notre monde futur à une plus grande échelle. La précarité risque donc fort de s’ajouter aux souffrances de la fin de vie.
  • Alors la tentation est grande d’y mettre terme, soit de façon volontaire, soit de façon organisée. Le spectre de « Soleil vert » se dresse alors devant nous dans toute son atrocité.

Évidemment, cette lecture des faits est profondément pessimiste et on peut espérer que l’ensemble de la problématique trouve des solutions pour le bien de l’individu et de la société. Cela dit, des questions sont soulevées que l’on entend fuser un peu partout.

Des questions

Elles sont nombreuses, et leur simple énoncé suffit à brosser un tableau inquiétant :

  • L’allongement progressif de l’âge moyen est-il compatible avec le maintien des individus en bonne santé ?
  • Avec quel argent va t-on payer les retraites ?
  • Comment va t-on faire face à la demande croissante de soins puisque la désertification médicale sectorielle  mettra des décennies à s’inverser ?
  • Comment va t-on résoudre économiquement la question de la dépendance ?
  • La prévention est-elle raisonnable puisqu’elle accroit la longévité ?
  • Mais à l’inverse n’est-elle pas indispensable, voire obligatoire si l’on veut être suffisamment valide pour assurer sa survie lorsqu’on sera dépendant ?
  • Mourir dans la dignité ne deviendra t-il pas un devoir social ?
  • Jusqu’où les personnes âgées devront-elles abandonner en fin de vie  leurs acquis sociaux pour sauvegarder le bien commun ?
  • Dans un monde 3.0 où les machines intelligentes vont devenir un acteur éclairé et multiscient du débat social, comment allons-nous protéger les plus faibles ?

Evidemment certaines questions sont dérangeantes, et elles sont heureusement encore loin devant nous. Peut-être. Ou pas, notre monde va si vite !

Une vision positive du vieillissement

Face à ce constat et à ces questions, il y a de quoi être déprimé. Pourtant, les personnes âgées peuvent devenir des atouts dans la société, pourvu que l’on décloisonne les ghettos, qu’on change les mentalités et qu’on envisage des solutions intelligentes.

  • Une personne âgée est avant tout une mémoire de son temps et d’une certaine façon de voir le monde. Elle possède certains points de repères que l’on oublie, à force d’aller toujours plus vite. Les personnes âgées sont dépositaires d’un savoir, d’une expérience, et du vécu d’un monde certes ancien, mais qui a servi de tremplin pour créer l’actuel et dont le futur ne peut s’exonérer pour se construire. Le recueil de l’information auprès des personnes âgées est une nécessité pour garder un lien avec des savoirs qui vont disparaître, et d’aider dans la conception du monde qui vient. Cela a toujours existé, mais le témoignage est toujours venu d’intellectuels ou d’individualité en mesure de témoigner avec une certaine visibilité. Combien de personnes sont riches de savoir qu’elles ne peuvent s’exprimer car on ne leur donne pas la parole ! Les TIC sont un moyen extraordinaire pour recueillir ce savoir :  n’importe qui, s’il ne sait pas écrire, peut se filmer, témoigner et publier sur le net. Il ne reste plus qu’à colliger tous ces témoignages, les ordonner, et les étudier. Il s’agit donc de créer grâce aux TIC, une sorte de « démocratie de la mémoire » et donc par là-même la transmission d’un savoir individuel à des machines intelligentes en mesure de les comprendre. On est donc bien dans un monde 3.0.
  • En matière de santé, l’une des applications importante sera le recueil des histoires individuelles des maladies. La vision de la maladie par le patient permet aux médecins de l’observer au plan de la plainte et donc du symptôme. C’est grâce à cette étude que les médecins à partir du siècle des lumières ont commencé à comprendre l’univers de la pathologie en fondant la séméiologie (l’étude des signes des maladies). Le recueil numérisé, individuel, et intelligent des histoires des patients permettra de redécouvrir une face peu à peu abandonnée depuis les années 60, l’écoute du patient. On sera donc en mesure, grâce à cette mémoire fournie par les personnes âgées, de créer une sorte d’anamnèse géante permettant de décrire avec précision les maladies avec l’œil du patient, et donc de faire de la prévention 3.0 .
  • Plus prosaïquement – et pardon à ce qui pourraient s’en offusquer – la vieillesse est un marché qui est source de richesses et d’emplois. La dépendance est une charge pour les personnes âgées et leurs familles. Cette charge va devenir peu à peu écrasante, notamment parce que le maintien à domicile en 24/24h requiert la présence de 6 personnes, et un budget de 4000 € mensuels en plus des charges de la vie courante. Cette équation économique insoluble peut trouver une solution à deux conditions : d’abord disposer des effectifs suffisants en formant des auxiliaires de vie obtenus par la reconversion de demandeurs d’emploi qui le souhaitent au moyen des fonds de formation, et ensuite en transformant le 24/24 h humain en un 8/24h humain et un 16/24h TIC. Je veux dire par là que des outils intelligents de surveillance, assortis d’une présence humaine discontinue mais régulière et adaptée au handicap de la dépendance, permettraient de rendre possible la résolution de l’équation économique qui pour l’instant ne l’est pas. Il faut donc là encore disposer de capteurs connectés à des systèmes experts susceptibles d’assurer une surveillance automatisée. Ainsi, la dépendance ne serait plus une charge, mais une source de richesses et d’emploi. Et qui plus est, une richesse exportable.
  • Les personnes âgées sont le plus souvent confinés dans un ghetto qui est celui du « monde des vieux », le plus souvent caché avec honte aux jeunes enfants, pudiquement recouvert du voile de l’oubli. Certaines initiatives ont été menées avec succès, dans lesquelles les crèches et les garderies d’enfant, jouxtent les maisons de retraites, voire y sont intégrées. Ces initiatives devraient être favorisées et développées, à mon sens pour plusieurs raisons. Il suffit de voir s’allumer l’oeil d’une personne âgée à la vue d’un petit enfant pour comprendre ce que cela ravive dans son cerveau, la joie que ça lui apporte, et l’entretien de la volonté de vivre. Et à l’inverse, ce serait un moyen pour rendre normal et acceptable aux yeux des enfants la vision de la fin de vie. Le besoin des parents de « protéger » leurs jeunes enfants du spectre atroce de la vieillesse est une façon névrotique de nier la fin de vie et de les leurrer sur la condition humaine. Il y a moins d’un siècle, l’intégration totale des vieillards dans le monde des jeunes permettait de ne pas considérer la mort comme une horreur, voire une injustice, mais comme un élément normal de la vie.  Cette éducation dès l’enfance, ce contact normalisé avec ceux qui sont en fin de vie pourrait permettre à ces futurs adultes de ne plus voir dans la fin de vie un inéluctable horrible, mais un état naturel compatible avec le bonheur. Et peut être de repenser la mort avec plus de sérénité. Et par là même de ne plus envisager la vie comme un état protégé de tout risque, et donc à réenvisager le risque zéro.

Il ne s’agit ni d’une vision angélique, ni de vœux pieux, et encore moins une utopie, car le développement des TIC en santé est un atout considérable, pourvu qu’on réfléchisse de façon intelligente et audacieuse.

Tags: , , , , , , , , ,

2 Réponses à “Le vieillissement de la population”

  1. Anonyme dit :

    It’s spooky how ceevlr some ppl are. Thanks!

Laissez un commentaire Dr Loic ETIENNE