Liberté, égalité, fraternité ! Constat.

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Je publie ici un texte que j’ai rédigé en Mars 2019, un an avant la pandémie du Covid-19, mais qui en pleine crise sociale me semblait iconoclaste, voire déplacé. Il me semble maintenant d’actualité.

Cette phrase qui résonne dans nos têtes depuis 250 ans est-elle encore adaptée à notre vie sociale, à notre nation, à notre Europe et à notre planète ?

Les termes ont été maintes fois définis, soupesés, argumentés. Leur origine remonte à la Révolution Française. C’est au nom de ces valeurs que des femmes, des hommes et des enfants même, des laïques et des religieux, des natifs et des migrants, des étrangers et des français de souche, y ont laissé leur vie. Au nom de la Liberté. Au nom de l’Egalité. Au nom de la Fraternité.

Que reste-t-il aujourd’hui de ces mots emblématiques qui ornent nos monuments, nos frontispices et jusqu’au moindre de nos documents administratifs ? Qu’en reste-t-il après la Boucherie du XXème siècle, le fantasme Socialiste des années 80, et  le Capitalisme sauvage des années 2000. Chacune de ces idéologies du XXème siècle a laissé des morts sur le carreau que chacun d’entre nous pleure dans son coin au nom de ses martyrs et de ses espoirs déçus. Commençons par la fin…

Fraternité

Que reste-t-il de la fraternité après l’Epuration, la Shoah, et la fin du Colonialisme ? Que reste-t-il de ce monde où « l’autre » avait un droit d’exister, y compris dans la transgression ?

A vrai dire, on se le demande. Les multiples petits faits de la vie quotidienne démontrent que la « fraternité du peuple français » a volé en éclat. Aux feux rouges, dans le métro, aux caisses des supermarchés, sur les routes, dans les queues réelles ou virtuelles que la Pensée Administrative nous impose, on voit que la fraternité n’existe plus. Chacun pour soi ! Moi au nom de moi, Moi au nom de mon quartier, Moi au nom de ma Communauté, Moi au nom du fait que je m’estime français et que les autres ne peuvent y avoir part, alors que si on fouille mes origines à moins d’une centaine d’années, je ne suis sans doute pas d’origine française. Mais ce droit, Moi ou Mes ancêtres, Nous avons conquis de haute lutte le droit de vivre dans l’un des plus beaux, des plus sécurisés et des plus riches du monde.

Nous n’avons plus entre nous la moindre fraternité : on gueule dès que l’on estime que notre « liberté » est atteinte ; on se marche dessus dès que l’on estime que notre droit est bafoué ; on peut même s’entretuer pour un regard, une parole, une incivilité.

Bien des colères de 2018 et 2019 ont démontré que nous pouvions être profondément anti-fraternels au nom de nos intérêts personnels, syndicaux, corporatistes ou sociétaux.

La fraternité que nous revendiquons reflète-t-elle vraiment ce que nous vivons au quotidien ?

Egalité

Que reste-t-il de cette Egalité inventée par la Révolution : « Tous les hommes naissent libres et égaux en droits… » . On répète comme un mantra cette phrase fondatrice de la Déclaration des Droits de l’Homme qui fige comme un Droit, un Fait sans cesse bafoué.

On ne nait ni « libre », ni « égal ». aux autres. C’est un leurre.  Il suffit d’écouter les médias pour voir que selon l’endroit où l’époque à laquelle on naît, l’Egalité n’existe pas. Le Droit d’être égal des autres nous est acquis, mais nous n’aurons jamais la possibilité de l’exercer. Car, l’exercice pratique de la Fraternité m’impose de m’effacer au nom de ce principe, et l’exercice de la Liberté que mon voisin possède au nom de ce Droit fait que pour faire valoir de droit, je devrai le conquérir de haute lutte en justice.  Et quand on sait à quel point la justice des hommes est imparfaite, je ne pourrai jamais jouir de ce droit à l’Egalité.

Bien des colères de l’année 2019 ont montré que chaque couche de la société revendique une égalité avec ceux de la couche supérieure, mais n’est absolument pas prête à accepter une égalité avec ceux de la couche inférieure. On refuse d’accepter les migrants, on laisse les SDF au bord des trottoirs, on lâche les démunis, les « sans grade » que dépeignait Victor Hugo, toute cette piétaille qui ne nous importe finalement pas parce que c’est sur eux que nous marchons. Aucune strate de notre société n’échappe à ce constat. L’Egalité oui, mais tant que je peux être plus égal que les autres !

L’Egalité que nous revendiquons reflète-t-elle vraiment ce que nous vivons au quotidien ?

Liberté

Liberté, liberté chérie ! Que de crimes on commet en ton nom ! Cette phrase que l’on prête à Manon Rollin, femme du Peuple, muse du club des Girondins, guillotinée lors de la Révolution montre la totale subjectivité de ce mot qui fait tous les 10 ans le sujet récurrent de l’Epreuve du Bac. Que reste t-il dans notre monde normé, sécuritaire, proche du risque zéro, de ce parfum qui donne à nos vie à chacun l’illusion que nous sommes libres ? La liberté est un mythe, le degré de liberté est notre réalité quotidienne. Et il s’amenuise sans que nous en ayons conscience.

C’est pourtant au nom de cette liberté que tant d’êtres humains ont laissé leur vie. Ils ont poussé cette limite au terme ultime de leur condition humaine. Au-delà de la Liberté, la Mort est la seule issue. Priver l’être humain de Liberté le conduit irrémédiablement au suicide. Ou à la Folie.

Bien des colères de l’année 2019 ont montré l’interface irréconciliable entre la liberté d’exister des uns et la liberté d’exister des autres. Les uns au nom de leur précarité supposée, les autres au nom de leur richesse supposée. Le venin de la jalousie de celui qui ne possède pas, et de l’arrogance de celui qui possède a nourri sur fond de guérilla urbaine le mal-être profond de la société française.

La Liberté que nous revendiquons reflète-t-elle vraiment ce que nous vivons au quotidien ?

Responsabilité, Equité, Solidarité

C’est peut-être par là qu’il faut commencer notre reconstruction de la société. Si on admet que cette devise fondatrice est inatteignable et se déconnecte de plus en plus du réel, regardons la réalité et changeons nos objectifs.

A Liberté ne faudrait-il pas plutôt préférer Responsabilité ? La Responsabilité est une vertu qui oblige l’individu à respecter l’autre, et à la société de respecter l’individu, tout en sachant que la liberté reste un mythe inatteignable. Devenir adulte responsable c’est accepter l’idée que tous nos actes nous suivent, et que nous ne pouvons nous en dédouaner.

A l’Egalité dont on sait qu’elle est un fantasme, ne faudrait-il pas préférer l’Equité, cette façon réaliste de donner à chacun ce qui est équitable, afin que la Responsabilité puisse être exercée en toute justice, et que la Solidarité doit partagée entre tous.

A la place de cette Fraternité qui est morte, ne nous bouchons pas les oreilles, c’est peut-être de Solidarité dont nous avons besoin pour que Responsabilité et Equité puissent exister.

Aujourd’hui

Le monde d’aujourd’hui est la preuve que cet idéal révolutionnaire ne résiste pas à l’épreuve des faits et du temps. Il faut continuer à y croire, mais comme une valeur asymptotique. Comme un idéal. Redescendons sur terre. Et de cette terre, telle qu’elle est, avec ses formidables gestes de solidarité, cet esprit novateur d’équité, et ce que notre monde nous impose de nécessité de responsabilité, mettons en place les outils politiques, sociétaux et économiques qui respectent ces valeurs éthiques.

Alors, si un jour nous parvenons à une société responsable, équitable et solidaire,  peut-être pourrons-nous redorer sur nos murs ces trois mots magnifiques : Liberté, Egalité, Fraternité !

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