Le 3.0, kesako ?

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Les notions de 1.0, 2.0, etc. sont des concepts récents issus de l’informatique, et qui ont peu à peu envahi de nombreux domaines, dont celui de la santé. Le 3.0 est  comme on va le voir,  un concept précis.

Parler de 3.0 n’est ni une mode, ni une surenchère sur ce qui émerge actuellement et qui porte le nom de santé 2.0. Il s’agit d’une façon précise de penser notre monde qui est applicable à tous les secteurs, dont celui de la médecine et de la santé.

On pourrait rapprocher cela de la vision que l’on peut avoir des choses en une, deux ou trois dimensions. On peut résumer cela en pensée 1.0, 2.0, ou 3.0. Le 3.0 n’est pas nouveau, et un certain nombre de personnes ont déjà exprimé leur vision du 3.0. Voici les pistes de définition que je propose :

  • Le 1.0 est la vision que l’individu a de lui-même au travers de machines. C’est une vision individualiste qui recueille des données sans en fournir.
  • Le 2.0 est l’interaction entre l’individu et ses contemporains par le canal des TIC (Technologies de l’Information et de la Communication). La vision devient sociétale, puisque l’individu émet et reçoit des informations.
  • Le 3.0 est l’interaction entre les individus interreliés, la société et les machines en tant qu’objet.  La machine évolue grâce aux individus, mais ceux-ci évoluent également grâce à l’intelligence de la machine. La sophistication de ces objets pourra sans doute dans plusieurs dizaines d’années nous amener au 4.0, c’est à dire les machines non plus en tant qu’objet, mais en tant que « personne ». C’est l’ouverture vers tout le monde imaginé par Asimov.

Voici un résumé simple de ce qu’est le 3.0 :

La pensée 1.0

  • La pensée 1.0 est celle de l’individu qui voit le monde au travers de machines ou d’applications. Par exemple, le livre papier est du 1.0 puisque la personne qui lit le livre recueille des informations sans en transmettre. Le livre commence à devenir du 2.0, si d’autres personnes peuvent avoir une idée de ce qu’a lu cette personne en examinant les pages dont la tranche a été noircie ou les pages cornées : sans le savoir, le lecteur fournit une information sur ce qu’il a lu, donc sur une part -infime certes- de sa pensée. La recherche d’information médicales sur internet est du 1.0. Mais elle commence à être du 2.0 lorsque la machine est en mesure d’observer ce que l’individu a consulté sur un site.
  • Cette pensée 1.0 reste cependant très individualiste. En matière de relation médecin-patient, la consultation médicale reste du 1.0, car en raison du secret médical, le médecin n’a pas le droit de communiquer ces informations nominales à d’autres personnes en dehors des médecins, et ceci dans un cadre professionnel très strict. La relation médecin-patient, dans son fondement éthique restera donc toujours du 1.0.
  • Le 1.0 permet à l’individu de progresser en termes de connaissance. Mais -en dehors d’une dérive big brother- la connaissance de la société ne progresse pas. Son seul moyen de progresser en terme de connaissance est de colliger les données de différents patients et de les regrouper en cohortes dont chaque individu n’est qu’un numéro. Ainsi, c’est la somme de l’observation de toutes les prises de sang faites chez des millions d’individus qui a permis de définir la notion de norme. La norme n’est donc qu’une vision anonymisée et globale des constantes de l’être humain. Cela reste donc du 1.0.
  • On pourrait explorer à l’infini tout ce qui entre dans le 1.0. Par exemple, l’économie individuelle d’un individu est du 1.0 ; elle devient 2.0 lorsque l’individu joue en Bourse ; et elle devient du 3.0 lorsque ce sont les machines qui pilotent ses placements financiers. Autre exemple, politique celui-ci : la contestation dans les pays du Maghreb était du 1.0, chaque individu communiquant avec ses proches ; l’utilisation des réseaux sociaux qui a fait le  » printemps arabe » est une démarche 2.0.
  • En terme de santé, la santé 1.0 est la conscience que l’individu a de lui-même de son état de santé. C’est une vision totalement individuelle. L’individu baigne dans un environnement avec lequel il a des interactions qui vont interférer avec lui. La santé 1.0 est un processus moderne, évolutif qui restera toujours à explorer.

La pensée 2.0

  • La pensée 2.0 est celle des individus reliés entre eux par l’intermédiaire d’outils de communication. Il existe une dimension sociétale indubitable au 2.0. L’individu ne fait pas que recueillir de l’information, il en transmet. Les forums et les blogs sont des exemples évidents de pensée 2.0. On voit dans ce contexte que des leaders d’opinion peuvent influer sur la pensée de la société, ceci hors de tout contrôle autre que la notoriété et la légitimité qu’ils ont pu obtenir.
  • En matière de relation médecin-patient, la télémédecine 2.0 met en relation différents praticiens autour d’un même patient, les machines non intelligentes étant de simples moyens de communication.
  • Le 2.0 permet à l’ensemble de la société de progresser en termes de connaissance.
  • Pour reprendre l’exemple politique du printemps arabe renforcé par les réseaux sociaux, on est dans une pensée 2.0 ; s’il y avait une main mise de Facebook sur cette communication, on serait passé à une démarche 3.0 avec toutes les conséquences néfastes que l’on peut imaginer. Ce dernier exemple montre bien que le passage du 2.0 au 3.0 introduit une inévitable dimension éthique.
  • La santé 2.0 est la conscience que l’individu et la société ont de l’état de santé de l’individu et du « corps social » que constitue la communauté des hommes. D’individuelle, la vision devient sociétale. La santé 2.0 est donc l’interaction individu-société. Ainsi, la prévention 2.0 est une démarche de ce type, puisque c’est la société qui impose des règles aux individus grâce aux données épidémiologiques fournies par les individus.

La pensée 3.0

  • La pensée 3.0 est l’interaction entre le couple individu-société d’une part, et les machines intelligentes. On entend par machines intelligentes, des machines capables d’aggréger des données pour produire par un processus intelligent d’autres données qui vont alimenter les données initiales. C’est le processus de l’apprentissage que fait un jeune enfant par exemple. On est donc dans le domaine des systèmes experts.
  • En matière de relation médecin-patient, la télémédecine 3.0 qui utilise des systèmes experts et des biocapteurs, est typiquement une pensée 3.0, puisque à partir d’une situation complexe en urgence par exemple, elle est en mesure de proposer une réponse adaptée, reproductible, et dont les résultats vont lui permettre d’accroître ses performances. Un autre exemple est celui des logiciels d’aide à la décision en cancérologie, qui aident des cancérologues distants à réfléchir à la meilleuree stratégie thérapeutique concernant un patient.
  • La santé 3.0 est l’introduction au sein de ce couple individu-société de machines intelligentes. Cette notion a toujours existé, ne serait-ce que parce que les médecins ont toujours utilisé des outils pour comprendre le vivant et agir sur lui. Mais la dimension fondamentale qu’ont apportée les dix dernières années a été la numérisation du vivant rendue possible par l’informatique. Ainsi, la connaissance que l’individu peut acquérir sur l’évolution d’une épidémie ou de l’émergeance des pollens au printemps grâce aux machines intelligentes, peut modifier les comportements préventifs individuels. On est dans ce cas précis dans une démarche de prévention 3.0.
  • En raison du danger que peuvent représenter des machines intelligentes entre les mains de personnes ou de groupement peu scrupuleux, la dimension éthique du 3.0 est en cela fondamentale. C’est l’un des points qui différencie le 2.0 du 3.0. Pour paraphraser un mot célèbre : « le 3.0 sera éthique ou ne sera pas ! ».

Et le 4.0 ?

  • Le 4.0 est le monde de demain : c’est celui dans lequel les machines communiqueront entre elles, car elles ne seront plus des objets, mais des « quasi personnes » douées d’une certaine autonomie.Le risque est alors grand de voir nos existences individuelles et nos sociétés sinon contrôlées, du moins fortement impactées par les décisions que prendront les machines. Simple fantasme à la Kubrick ou à la Huxley ? Ou risque réel ? Isaac Asimov a déjà posé 3 principes qui permettront d’échapper à ce monde. Encore faudra t-il que ces principes soient édictés et suivis, sans que le monde de l’argent ne s’en empare dans son seul intérêt. Le péril serait alors immense.
  • C’est donc en étant vigilant lors du passage du 2.0 au 3.0, passage qui est déjà largement entamé dans certains domaines, que l’on pourra éviter des lendemains qui déchantent.

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