Médecin virtuel : les premiers pas

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En début 2012 étaient présenté dans les pages de zeblogsanté les grandes lignes de ce que pourrait être à terme un médecin virtuel. Deux ans après, on peut assister à la naissance de e-docteur et à ses premiers pas sur le site e-sante.fr.

Les tentatives dans ce domaine ne sont pas si nombreuses, les plus abouties étant les symptom checkers comme Web MD. On se dit alors qu’avec e-docteur, il n’y a  rien de nouveau sous le soleil. Et pourtant… ! Venez suivre les premiers pas de ce premier médecin virtuel.

E-Docteur, une modélisation de la pensée médicale

Depuis 2010, zeblogsante a mis en place les outils de réflexion sur des notions nouvelles comme la médecine 3.0, la modélisation de la relation médecin-patient, l’épidémiologie en temps réel. Le système expert utilisé par e-docteur correspond à l’embryon de la pensée d’un médecin, c’est toute la différence avec les symptom checkers. Nous levons ici le voile sur la façon dont ce système a été conçu. Voici comment raisonne généralement un médecin, raisonnement dont e-docteur a commencé à modéliser les bribes :

  • Les patients ont souvent du mal à hiérarchiser leurs maux, qu’ils livrent au médecin comme un inventaire à la Prévert. Tout le travail du médecin consiste à trier ces informations pour finalement obtenir la réponse à la question : » finalement vous venez me voir pour quel symptôme ou quel problème ? « . Parfois aussi c’est l’inverse, le patient arrive avec son diagnostic clef en main, fruit de ses lectures sur internet. Et le médecin a bien du mal à détricoter les mailles pour revenir à cette même question ci-dessus qui est le point de départ de son raisonnement. En effet, avec pour seule information initiale l’âge de la personne, son sexe, un seul symptôme de départ (le plus évident, ou le plus gênant ou le plus inquiétant  pour le patient) et depuis quand les signes se sont manifestés, un pré-tri immédiat se fait dans la tête du médecin et lui permet de ne focaliser sa réflexion que sur un nombre limité de diagnostics.
  • Le souci du médecin est ensuite de vérifier s’il n’y a pas un problème urgent, que celui-ci soit grave (une embolie pulmonaire) ou non (une angine virale), et qui nécessiterait une action immédiate . Mais en même temps, il lui faut penser à tout ce qui n’est pas urgent, mais qui est potentiellement  grave (un cancer du poumon) ou pas grave (une simple bronchite qui traine un peu). On pourrait assimiler tous ces diagnostics envisagés par le médecin à des clignotants qui s’allument dans son cerveau. A cela se rajoute le fait que le médecin explore ces diagnostics probables selon des méthodes diverses : méthodes itératives (il va poser une série de questions pour focaliser sur le diagnostic qui lui semble le plus probable),  méthodes de balayage (il passe en revue une série de questions qui peuvent sembler désordonnées au patient mais qui lui permettent d’éteindre un à un les clignotants), et méthodes arborescentes (c’est surtout le fait des médecins spécialistes qui travaillent sur un éventail relativement étroit de diagnostics). Au terme de ce travail de « débroussaillage », il ne reste plus en lice que quelques diagnostics probables autour desquels le médecin va agréger tous les symptômes qui rendent l’un des diagnostics plus probable que d’autres. Enfin, en finale, et avant de passer à l’examen clinique et aux examens complémentaires, il va passer rapidement en revue par quelques questions subsidiaires les diagnostics « tordus » à côté desquels il aurait pu passer. Et parfois, grâce à une simple question, il va remettre en cause toutes ses hypothèses et aboutir à un diagnostic qu’il n’avait pas envisagé au départ. Il s’agit donc d’un travail à la fois de hiérarchisation et « d’entonnoir » aux termes desquels, le médecin aboutit sur des suspicions, car un diagnostic dans 90% des cas ne peut raisonnablement être porté que si des examens complémentaires viennent l’étayer.
  • Se pose alors à lui un autre problème : quelle décision prendre, surtout en urgence ? Les choses sont relativement simples lorsque le diagnostic est certain ou probable, puisque les médecins disposent de protocoles thérapeutiques fruits des conférences de consensus. Mais que faire si aucun diagnostic n’émerge ? Le médecin revient alors aux fondamentaux de ce qu’il a emmagasiné dans sa tête au cours de l’interrogatoire, et évalue alors le risque et l’attitude à tenir pour minimiser ce risque : hospitalisation ? surveillance ? envoi vers un spécialiste ? examens complémentaires ? C’est sur ces cas compliqués que s’exprime le mieux l’intelligence du médecin.

Il nous a fallu environ 25 années de travail pour essayer de comprendre ce qui se passait dans notre propre tête de médecin. C’est de l’analyse fonctionnelle utilisant des principes de logique floue. On est bien loin d’un simple calculateur de symptômes !

Une véritable innovation

Plusieurs éléments ont présidé à la construction de ce système expert :

  • La qualité. Cet outil est intelligent, car il raisonne et aboutit à des conclusions logiques en posant des questions qui prennent en compte les réponses précédentes. Il a nécessité 25 années de recherche et de mise au point depuis le 3615 Ecran santé né sur minitel en 1987. Il a été conçu, testé et validé par des médecins, en collaboration étroite avec des ingénieurs informatiques.
  • Les performances. Le système utilise les principes de logique floue pour étayer son raisonnement médical. Il repose sur 150 symptômes qui résument tous les aspects de la plainte d’un patient, et est en mesure de suspecter 511 pathologies en séparant bien ce qui est urgent (nécessité de consulter un médecin dans des délais très brefs), de ce qui ne l’est pas (consultation différée du médecin). Le système est autoapprenant grâce aux remontées qu’en feront les internautes selon le diagnostic réel posé par leur médecin.
  • L’utilité. Elle est triple.
    • Pour le patient, c’est devant toute situation, répondre à ses interrogations : Que faire ? Est-ce grave ? Qui appeler ? Dans quel délai ?
    • Pour le médecin, c’est bénéficier d’une situation qui a été « prérégulée » par le patient lui-même, avec une automédication raisonnable et encadrée. De plus il se trouve ainsi face à un patient raisonnablement informé sur ses symptômes et les pathologies qui peuvent correspondre.
    • Pour les Pouvoirs publics enfin, ce système participe de la diminution du consumérisme médical, donc d’une diminution du coût de la santé ; mais c’est surtout au plan de la connaissance que ce système apportera une vision et une répartition inédite de toutes ces pathologies suspectées sur l’ensemble du territoire grâce à la géolocalisation. Cette épidémiologie en temps réel sera riche d’enseignement. Enfin dans un contexte de désertification médicale croissante, ce système permet aux patients défavorisés par cet état de fait d’avoir à tout instant un avis qui ne remplace pas le médecin, mais qui lui permet d’obtenir une réponse en attendant.
  • L’éthique. Un tel service se doit d’être gratuit et anonyme, c’est ce que fait e-docteur. Il a pour objectif de participer de l’éducation sanitaire des patients (horrible mot, mais il est consacré !), de développer une véritable prévention personnalisée, et de devenir un outil de régulation citoyen compatible avec les orientations de la loi Kouchner et de la Loi HPST.

Tout ce qui a présidé à la construction de ce système a été fait au seul service de la relation médecin-patient.

La suite

  • Ce système n’envisage que 517 causes possibles. On est donc loin des 17.000 entrées de la CIM 10. Mais avec le temps, le nombre de diagnostics va s’incrémenter.
  • Actuellement il a emmagasiné un certain nombre de données de la littérature médicale. On a pu d’ailleurs à cette occasion mesurer à quel point les données de la littérature sont parcellaires, voire contradictoires. Il a fallu arbitrer. Mais c’est grâce à l’expérience que les données vont se consolider. En effet, le système peut apprendre, autant de ses échecs que de ses succès. C’est pourquoi le retour diagnostic est essentiel. C’est le travail que nous avons commencé à faire avec les urgences de l’hôpital Lariboisière. Nous espérons pouvoir recueillir à horizon 1 an 20.000 cas de patients passés par les urgences.
  • Les données épidémiologiques recueillies confrontées aux données de santé de l’InVS ou des réseaux permettront de vérifier sur certains items connus comme les infections saisonnières s’il y a ou non congruence.

Tout ce travail en aval va permettre d’améliorer le système et de le consolider dans les 3 ans qui viennent.

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4 Réponses à “Médecin virtuel : les premiers pas”

  1. Anonyme dit :

    Merci , très pertinent

  2. Anonyme dit :

    Très pertinent et tellement utile !

  3. Anonyme dit :

    Merci c’est intéressant

  4. Anonyme dit :

    Bonjour, très pertinent et tellement utile ! Les pharmaciens devraient s’inspirer de cet outils.
    Est-il possible de l’intégrer dans leur site ? est-il possible de s’en entretenir avec vous ?

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