La prévention personnalisée

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Les messages généraux de prévention ne sont-ils pas simplement des incantations normatives destinées à ce que tout le monde marche droit ?

Ou bien sont-ils vraiment des conseils avérés et fiables, dont l’application permet l’amélioration de la santé publique et le recul au niveau individuel des pathologies ? La question se pose quand on voit certains messages d’hier contredits par les avancées de la science. La vérité n’est-elle pas ailleurs, dans une véritable prévention personnalisée ?

Rappel de ce qu’est la prévention

La prévention classique définie par l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) fait état de 3 stades : prévention primaire, secondaire et tertiaire. On a rajouté par la suite la prévention primale dont l’objet est  d’éviter les risques auxquels est soumis le fœtus dans le ventre de sa mère, et la prévention quaternaire destinée à éviter les risques de la surmédicalisation des maladies chroniques. Ces différents types de prévention agissent de la façon suivante sur le parcours qui mène de la bonne santé à la maladie :


 

Actuellement, les moyens mis en œuvre pour activer ces divers types de prévention, sont essentiellement généraux et concernent la prévention primaire :

  • Campagnes de prévention sur des sujets de comportements généraux comme la conduite, l’alimentation, l’alcool, le tabac, l’activité physique, etc.
  • Campagnes de dépistage, notamment en ce qui concerne les cancers et les maladies cardio-vasculaires
  • Prophylaxie générale, avec tout le compartiment des vaccinations

Les moyens individuels sont :

  • Le dépistage individuel des maladies et les conseils de prévention au cours de la relation médecin-patient
  • Les prises de conscience individuelles par la personne elle-même
  • Le dépistage organisé (avec toutes les interrogations qui semblent de plus en plus se faire jour à ce sujet)
  • La surveillance des maladies (prévention secondaire)
  • L’éducation thérapeutique des patients (prévention tertiaire).

Si on résume : la prévention primaire agit sur les grands types de comportements généraux et sur les accidents et les maladies évitables. La maîtrise de l’environnement est très illusoire. Au niveau strictement individuel, la prévention ne peut agir que sur les facteurs de risque. Quant à l’action sur les forces et les faiblesses et sur le terrain de chaque individu, elle est strictement inexistante car nous ne possédons pas les moyens de connaissance et d’exploration de chaque individu. La prévention primaire est donc essentiellement globale, non ciblée et plutôt coercitive. Cela explique que les individus soient peu réceptifs voire hostiles aux messages de prévention générale.

Dès que la prévention devient secondaire et tertiaire, donc après l’échec de la prévention primaire, la prévention s’individualise un peu puisque la personne est surveillée dans le cadre des pathologies dont elle souffre. Toutefois, la vision de l’individu est strictement verticale (on est diabétique, hypertendu, cancéreux, etc.). Cet enfermement dans des sortes de cases sont utiles et pratiques pour les médecins car elles permettent de faire des statistiques et de manier les concepts et les populations de façon commode. Mais au niveau individuel, c’est un non sens car on n’est pas que diabétique, hypertendu ou cancéreux. On est un individu avec son terrain particulier, ses forces et ses faiblesses, son histoire personnelle. L’absence de vision horizontale de l’individu, dépersonnalise la prévention, et amène l’individu peu ou prou à se rebeller contre les diktats de la prévention destinés à agir pour son bien.

Il faut pourtant bien constater les résultats objectifs : les accidents routiers sont en diminution, les maladies cardio-vasculaires dans leur aspect suraigu (oédèmes pulmonaires, infarctus massifs, insuffisance cardiaque aigue) ont diminué, les chiffres globaux de cholestérol diminuent, les complications chroniques du diabète et de l’hypertension régressent. La politique de prévention peut s’enorgueillir de bons résultat au plan de la santé publique.

Une notion se profile de plus en plus, la diminution du risque individuel. Cette vision très fortement véhiculée par les Compagnies d’Assurances, permet de bien encapsuler les comportements. Mais elle est encore plus normative et  culpabilisante. Et surtout elle ne voit que l’aspect négatif des choses : il est en effet tout aussi important d’augmenter ses forces que de diminuer des faiblesses. Cette vision est donc sournoisement coercitive et ouvre la voie vers une dérive qui consisterait à pénaliser par exemple par une augmentation des cotisations, ceux qui n’ont pas accepté de diminuer leur risque. On va bien vers une incitation normative afin que l’ensemble de la société marche droit, avant tout pour des raisons économiques. Cela est-il pour le bonheur de l’individu ?

La question est donc : peut-on envisager une prévention à l’échelle individuelle, qui permettrait à certains de fumer raisonnablement et d’autre pas, à certains d’abuser des plats en sauce là où d’autres seraient contraints aux carottes vapeur, à certains de siroter des cocktails au bord de la piscine là où l’ensemble de la population devrait suer sang et eau sur leur vélo en buvant de l’eau plate ? Plus sérieusement, devons nous concevoir l’existence comme une marche bien ordonnée ou comme un slalom spécial entre les obstacles permettant à chaque individu d’adapter ses comportements en fonction de son terrain, de ses forces, de ses faiblesses, de son environnement et des aléas de l’existence ?

Le rôle essentiel de la connaissance

Plusieurs éléments rendent actuellement difficile la mise en œuvre d’une prévention individuelle efficace :

  • Notre manque de connaissance du terrain de chaque individu, de ses forces et de ses faiblesses et de ses évènements personnels.
  • La réduction que la médecine met en œuvre pour fabriquer des typologies. On ne dispose finalement que très peu de modèles de classement des individus et cette classification est essentiellement organisée en spécialités (cardiologie, néphrologie, endocrinologie, etc.). Cette vision verticale empêche d’envisager la complexité des individus. Où placer une femme qui fume, qui a des antécédents familiaux de cancer du sein, et qui ne fait pas de sport en raison de son surpoids ? Et où placer une autre du même âge qui ne fait pas de sport parce qu’elle n’aime pas ça, qui est de poids normal, qui fume et qui a des antécédents familiaux de cancer du sein ? La première sera rapprochée d’un risque cardiovasculaire, alors que la seconde sera plus rapproché d’un risque de cancer du sein en raison d’un risque cardio vasculaire moindre. On simplifie et on réduit par manque de modèles complexes.
  • L’absence de rapprochement des données. On a mis des années à faire le rapprochement entre le ronflement régulier et le risque cardio-vasculaire. Alors que l’on avait constaté que beaucoup de personnes qui sur le web consultaient le sujet « hypertension », consultaient également le sujet « ronflement » et le sujet « troubles du sommeil.  On touche là un point essentiel de la prévention : la personne la plus à même de fournir des informations fiables, c’est le patient lui-même. Or, en raison d’une vision très paternaliste de la relation médecin-patient, les médecins prennent peu en compte la parole du patient.

On voit à quel point les TIC joueront ici un rôle essentiel à la condition que l’on accepte de fabriquer des programmes d’évaluation qui acceptent de gérer la complexité et de se sortir de la vision simplificatrice des normes. La fameuse courbe de Gauss laisse de côté des franges de population qui, si l’on ne considère que les chiffres sont sans doute négligeables, mais si on considère les individus sont totalement laissées pour compte, ce qui est logiquement inacceptable. Et si l’on pousse un peu plus loin, est-il éthique qu’au nom des normes et de l’âpreté des chiffres on néglige ceux qui s’échappent de la norme seulement pour simplifier les raisonnements ?

On peut donc penser que web 3.0 permettra de prendre en compte la complexité et donc de fabriquer des outils adaptés à chacun. Il faudrait dans cette optique bouger un peu les lignes actuelles :

  • Inventer un DMP plus ambitieux qu’il ne l’est. Le DMP qui se contente de n’être qu’un banal stockage des données sécurisées du patient ne fait en rien avancer la connaissance. En revanche, s’il est un libre recueil géolocalisé de la parole du patient pourvu d’outils d’intelligence artificielle pour organiser le libre langage, le DMP deviendra une base de données relationnelle ouverte et déclarative. La validation par le médecin leur donnera alors une valeur consolidée. On pourra alors envisager d’explorer ces données anonymes grâce à des outils de fouille de données, ce qui permettra de rapprocher des éléments très disjoints que l’on ne soupçonne pas (exemple du ronflement dans le risque cardio-vasculaire). Ces points seront développés dans l’article le [DMP 3.0].
  • Munir les médecins de systèmes experts d’aide à la décision, destinés d’une part à les aider dans leur métier, mais aussi pour que l’on puisse faire de l’épidémiologie automatisée à grande échelle. Il est clair que le suivi de la grippe par les médecins sentinelles est une technique totalement dépassée car peu fiable, avec de gigantesques trous géographiques, et non prédictive car pas en temps réel.
  • Mettre au point un programme de médecine virtuelle destinée à entrer dans une base de données la totalité des pathologies en médecine, fondées sur le recueil des symptômes. Ce programme de [médecin virtuel] permettrait de faire de la prévention personnalisée, car les maladies seraient soupçonnable très en avance par la simple écoute intelligente de la parole du patient.
  • Avancer dans la médecine prédictive grâce à l’étude fonctionnelle du génome.

 

 

 

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1 reponse à “La prévention personnalisée”

  1. Anonyme dit :

    Il est dit dans ce blog que la mise en oeuvre d’une prévention individuelle efficace est difficile à cause de notre « manque de connaissance du terrain de chaque individu ». Je me permets de relever ici qu’une telle affirmation concerne, évidemment, une tout autre prévention individuelle que la prévention primale. En effet, cette dernière ne « connaît » pas le terrain mais elle le détermine ou, plus modestement, le façonne. Car l’application de ses principes vise à assurer à l’individu les conditions environnementales les meilleures possibles pendant sa vie primale. Or il s’agit de la période de sa vie où les activités épigénétiques de tous ordres sont les plus intenses et, de ce fait, façonnent son terrain individuel quel que soit son patrimoine ADN. Salutations cordiales, Dr. A. Chinet

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