Les 6 stades de l’information en E-santé

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L’information en e-santé ne se limite pas à une recherche de renseignements par l’internaute. Elle peut aller beaucoup plus loin, et parfois même au delà de ce que voudrait le e-médecin.

La vulgarisation santé existe depuis plus de 100 ans et a été inventée par les anglais. Sa déclinaison papier s’est faite pendant des décennies sous la forme de livres, d’encyclopédies, de brochures… Puis ce fut le tour des médias radiotélévisées. Ce n’est qu’à partir des années 80 que l’on commença à parler de « télématique santé ». La e-santé qui n’est que la déclinaison internet de ce qui s’est fait par minitel, ne date que des années 90. Il ne s’agit pas d’un acte médical.

L’information en santé

Il faut bien faire un distinctif entre :

  • L’information santé, telle qu’elle se pratique lors d’une consultation avec un médecin, ou celle qui est obtenue en consultant les  médias (presse, radio, télévision, et internet dans sa version web 1.0). En effet concernant internet, on parle ici des magazines santé sur internet qui ne sont finalement qu’une prolongation électronique des médias traditionnels (on est dans le domaine du web 1.0).
  • L’information en e-santé sur des sites internet qui réalisent une interactivité (forums, chats publiques) qui sont du web 2.0.
  • Le téléconseil, qu’il soit par téléphone ou sur internet (dialogue en direct ou en différé avec un e-médecin et qui est donc du domaine du web 3.0). Le téléconseil n’est pas de la télémédecine, mais il s’en rapproche : il n’aboutit pas à un véritable « acte médical », mais constitue une pratique médicale à part entière.

L’information en télémédecine

A côté de cela, la télémédecine est par définition un acte médical. Cet acte nécessite comme pour tout acte médical une information. S’agissant d’une information à distance (puisqu’il s’agit de télémédecine), il s’agit donc bien d’une information en e-santé qui vient en aval d’un acte de télémédecine.  Informer le patient a toujours été une nécessité, et depuis la loi du 4 Mars 2002 le devoir d’information est devenue une obligation pour le médecin. La télémédecine a besoin de moyens réels tels que la téléconférence, qui utilisent des médias que sont internet, le téléphone, etc. ; elle utilise également des moyens virtuels tels que la dématérialisation de l’imagerie médicale qui est l’application des moyens de numérisation du vivant. Ainsi, ce rapport au vivant et la communication qui en est faite, sortent du domaine du réel pour entrer dans la virtualité. La télémédecine est par conséquent au carrefour du réel et du virtuel.

Ce n’est pas le cas de la médecine qui, bien qu’utilisant des moyens de numérisation du vivant, reste dans le réel en raison du contact direct, synchrone et réel entre le médecin et le patient.  La relation médecin-patient, constitue le cadre de l’échange d’information et  reste donc le référentiel pour replacer dans leur contexte respectif de médecine et télémédecine.

En effet, le contact direct entre le médecin et le patient permet un passage simplifié de l’information, puisqu’à la communication verbale riche en intonations et messages subliminaux, s’ajoutent d’une part le toucher au cours de l’examen clinique, véritable véhicule de la compassion du médecin pour son patient, et d’autre part la communication non verbale (gestes, mimiques, etc.). C’est l’avantage incontournable de la présence physique que la télémédecine ne pourra jamais remplacer.

Toutefois, la télémédecine, du fait qu’elle introduit des outils de communication, fait changer de paradigme et apporte à la relation médecin-patient des dimensions supplémentaires dont il faut savoir prendre les bon côtés et limiter les mauvais.

On peut ainsi penser que l’alliance médecine et télémédecine amène à une notion de médecine beaucoup plus large, la médecine 3.0.Ce qu’on pourrait résumer par  » 1 + 1 = 3 « .

Les limites de l’information en médecine

Une consultation n’est pas forcément le lieu ni le moment optimal pour transmettre des informations médicales et de santé au sens large. Il existe à cela de nombreuses raisons :

  • Le médecin  n’a pas le temps, ou ne le prend pas.
  • Le médecin n’a pas l’information sous la main. Nul ne peut lui en vouloir de tout savoir, et il n’est pas forcément simple ni valorisant pour lui de devoir chercher l’information sur internet sous le nez de son patient.
  • Le médecin n’a pas été formé pour cela : vulgariser une information médicale n’est pas chose aisée. On peut être très bon médecin et déplorable vulgarisateur. Or sans images, métaphores et sens de la vulgarisation, il est impossible de faire comprendre au patient des informations parfois complexes.
  • Le patient n’est pas dans une situation physique et émotionnelle optimale pour reçevoir l’information. Parfois même, l’agression psychologique que constitue en elle-même l’information (annonce d’une maladie grave par exemple) ne lui permet pas d’avoir la distance suffisante et la réactivité nécessaire pour poser toutes les questions.
  • Le patient a souvent des interrogations qui lui viennent à l’esprit à distance de la consultation, ou suite à ses investigations sur internet.

Ce sont tous ces éléments et sans doute bien d’autres, qui font que l’information médicale a souvent du mal à passer au cours d’une simple consultation, même récurrente. A cela s’ajoutent les 7 raisons pour lesquelles le patient n’ose pas poser des questions à son médecin et qui vont l’amener à chercher auprès d’un média, internet en particulier,  la réponse à ses interrogations. On entre alors dans le cadre de la télésanté, plus précisément de la santé 3.0, et plus précisément encore dans le cadre du téléconseil, voire de la télémédecine.

Les atouts de la télémédecine face à l’information médicale

Face à la médecine « réelle » et traditionnelle telle que nous la connaissons, la télémédecine possède des atouts qui sont autant de solutions de compensation.

  • La téléconférence : la web cam, les chats ou le téléphone permettent de véhiculer tous les éléments de la communication verbale, et la quasi totalité des éléments non verbaux, à la condition que l’image reste fluide, ce qui est loin d’être le cas si la liaison internet est en bas débit.
  • L’écrit : ce qu’on exprime par écrit est souvent mieux structuré. On est plus à même de se reprendre, de corriger des erreurs avant de publier le message. Par contre, l’écrit, quoi qu’on fasse, même avec un talent littéraire, introduit une crudité, voire une violence que la communication directe, elle, permet de faire passer grâce aux inflexions de la voix et à la communication non verbale. L’écrit (le mail en particulier) est un formidable outil, mais d’une dangerosité qui peut être extrême : une relation peut être définitivement détruite, ou un doute s’installer pour une formule maladroite qu’un simple sourire aurait permis d’atténuer. C’est pour cela qu’ont été introduits les petits émoticones qui permettent de tempérer ce que l’écrit peut avoir d’abrupt si on ne sait pas y mettre les formes.
  • Le téléexamen : il n’est pas encore pour demain, mais on peut conceptuellement envisager des solutions de capteurs avec retour de force, comme cela a été fait il y a quelques années avec le… cybersexe. Mais quoi qu’on fasse, on restera toujours tributaire d’une machine pour faire l’interface.
  • La distanciation : le fait de n’être pas présent sur les lieux de la consultation dédouane de réponses immédiates. Cette communication asynchrone introduit donc la possibilité de réponse réfléchie et méditée. Il est en effet parfois bien difficile pour un médecin de trouver « à chaud » les bons termes et les bons arguments lors de la consultation. Pouvoir s’exprimer à distance et ultérieurement, par mail ou par téléconférence permet au médecin de mieux peser ses mots, de faire des recherches documentaires, d’avoir le temps de réfléchir, et par là même d’avoir une vision plus distanciée et moins affective que dans l’immédiateté d’une consultation. C’est une  force et un atout qui peuvent être utilisés par le médecin, et dans lequel le patient peut également trouver son compte. En effet au cours de la consultation, le patient est noyé d’information et assailli de questions qu’il a parfois du mal à formuler. Ce n’est souvent qu’en rentrant chez lui qu’il pense aux questions qu’il regrette de n’avoir pas posées à son médecin. D’où bien souvent le recours aux forums et à internet pour obtenir un complément d’information.  Cet aspect de la distanciation montre la complémentarité intéressante qui peut exister entre médecine et télémédecine.
  • Les pièces jointes : c’est un avantage considérable, car on peut à l’appui de son discours joindre des documents érits, visuels ou auditifs. C’est ce qu’apporte la téléexpertise où des documents peuvent être échangés à propos d’un patient en sa présence.
  • L’anonymat : on dit à inconnu des choses qu’on n’a jamais dites à personne. J’ai eu l’occasion en plus de 30 ans de médecine d’urgence de bénéficier de confidences de patients dont j’ai été le premier dépositaire pour la simple raison qu’ils savaient qu’ils ne me reverraient pas. De cet instant éphémère est né la confidence.  Sur minitel et internet les confidences vont encore plus à cause de l’anonymat : les patients peuvent s’exprimer sans le risque d’être jugés puisqu’ils utilisent un pseudonyme.

Par rapport à une consultation traditionnelle, la télémédecine introduit plusieurs intermédiaires au sein de la relation médecin patient  :

  • L’outil de transmission (ordinateur, téléphone, borne interactive…). Il introduit une difficulté inévitable, notamment lorsqu’on ne sait pas se servir d’un clavier ou qu’on a une mauvaise audition.
  • L’interface homme-machine (IHM) dont la qualité va conditionner l’efficacité de la relation : une interface rigide, non intuitive, conçue par des seuls informaticiens, aura des effets désastreux, voire contre productifs : il suffit de voir monter notre taux d’adrénaline lorsque nous nous adressons à un serveur vocal interactif !
  • La qualité de la transmission : une vidéoconférence heurtée ou qui se fige par moment induit des parasites inacceptables pour le médecin et le patient. Mieux vaut une bonne conversation téléphonique qu’une vidéoconférence de fluidité médiocre.

Enfin, il faut ajouter à ces intermédiaires directs, les médias qui gravitent autour de cette relation dans un sens de facilitation ou au contraire de perturbation. Ces médias peuvent être séparés en trois groupes :

  • les médias passifs : ce sont la presse écrite, radiophonique, télévisuelle et internet de type web 1.0. Ils n’interfèrent dans la relation médecin patient que de façon ponctuelle et non personnalisée comme c’est le cas de tout média d’information.
  • les médias interactifs faibles : les émissions radio ou télévisuelles, chat, forums, où un dialogue personnalisé peut s’instaurer de façon ponctuelle et dans un cadre général qui est celui du support d’information. L’influence de ce type de médias sur la relation médecin-patient peut être plus importante que pour les médias passifs, car les informations, voire les avis et conseils, peuvent interférer sur la relation. «  Docteur, j’ai posé une question sur un forum et on m’a répondu que… ». Réflexion qui bien souvent horripile le médecin…
  • les médias interactifs forts : les centres d’appel (médicalisés ou non), les chats en direct, les messageries en différé, les sites d’accompagnement et de conseil santé, où une véritable relation suivie peut exister. L’équipe du 3615 Ecran santé que j’ai réunie dès 1987 a pu répondre à plus de 450.000 questions des visiteurs. Nous avons pu ainsi suivre des patients pendant plus de 13 ans, qui ont instauré avec nous une véritable relation virtuelle médecin-patient. De véritables liens à la fois affectifs et thérapeutiques ont pu se créer au long des années. Cela nous a permis de mieux cerner les différents stades de communication en terme d’information médicale.

Les 6 stades de l’information médicale

L’information médicale se conçoit entre un émetteur et un récepteur qui peuvent être tour à tour le médecin et le patient, utilisant divers moyens de communication (contact direct, téléphone, téléconférence, chat,  etc.). A cela il faut rajouter les médias (presse écrite, radiophonique, télévisuelle, sites internet, centres d’appel, etc.) qui interfèrent de plus en plus dans cette relation, comme on l’a vu plus haut. On s’intéressera ici uniquement à la stricte communication médecin-patient, et non au « buzz » que rajoutent les 3 types de médias décrits ci-dessus.

Le schéma que je présente ici est inspiré de celui défini en 1999 par le Dr André Chassort. Au stade de ma réflexion, j’en suis venu à l’idée qu’il existe 6 stades consécutifs, résumés dans le schéma « les stades de l’information médicale ».

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