L’anamnèse, une certaine histoire de la maladie

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Internet et la relation médecin patientLe moment essentiel de la relation médecin patient est celle où le médecin interroge le patient. C’est l’anamnèse.

De la réussite de cette phase dépend pour beaucoup la suite de l’histoire : la compréhension que le médecin va se faire du patient dans sa globalité, l’établissement des pistes vers le diagnostic, et la confiance que le patient va accorder à son médecin.

L’anamnèse est bien sûr un mot grec : « ana » qu’on pourrait appeler « remontée », et   »mnèse », c’est à dire souvenir. Remontée des souvenirs ! Pour le patient, cela signifie, se remémorer ce qui s’est passé et donc ce qui a motivé la consultation, c’est à dire la plainte . Pour le médecin, ce mot même s’il a le même objet, savoir ce qui s’est passé, n’a pas le même sens : c’est en quelque sorte l’histoire le la maladie. Le processus en tout cas est très simple : après exposé de ce qui motive son appel au médecin, le patient va répondre aux questions que le médecin lui pose. C’est au terme de l’anamnèse, que les symptômes seront identifiés et les hypothèses diagnostiques posées. Il arrive qu’après l’examen clinique effectué et les résultats des examens complémentaires obtenus, le médecin revienne sur le sujet pour compléter l’histoire qui se fait jour dans son esprit.

La distinction est importante, car même si médecin comme patient sont à la recherche de la réalité des symptômes pour parvenir à la vérité du diagnostic, leur quête à chacun n’est pas la même.

 

L’anamnèse pour le patient

C’est un exercice qui peut être un peu confus dans l’esprit du patient, car plusieurs difficultés se posent à lui en même temps que le médecin l’interroge. La liste n’est évidemment pas limitative :

  • Nommer la plainte. Le simple mot « malaise », avec la cohorte de synonymes qui le décrivent dans le langage courant, est porteur d’un sens très variable d’un patient à un autre : mal à l’aise ? sensation de perdre connaissance ? nausées ? vertiges ? gène douloureuse ?
  • Caractériser la plainte : la question célèbre du Docteur Knock   »est-ce que ça vous chatouille ou est-ce que ça vous gratouille » prend ici tout son sens.  Les questions que le médecin pose n’entrent pas forcément dans le champ sémantique du patient : depuis quand ? Ca fait mal où exactement ? c’est quoi comme type de douleur, etc. ? Les mots sont parfois à double sens, le vécû et la culture ne véhiculent pas la même signification, et les mots employés par le patient pour exprimer une sensation parfois vague et imprécise ne rendent qu’imparfaitement compte de ce qu’il ressent.
  • L’autodiagnostic. Cette tentation est de plus en plus présente, notamment chez les personnes qui ont préalablement « fait leur marché » sur internet. L’expression de la plainte est parfois polluée, déformée, voire transformée afin d’entrer dans les cases d’un diagnostic préétabli. « J’ai une douleur d’infarctus » , j’ai une douleur d’appendicite », « ça me fait comme une cystite », etc.  Cet autodiagnostic, interfère sur l’anamnèse et parfois sur le traitement lorsque le patient fait de l’automédication sauvage. Et la préoccupation du patient dans ce cas est de faire une réponse qui entre dans le cadre du diagnostic qu’il a envisagé.
  • Se remémorer la plainte. C’est parfois très difficile, tant la sensation initiale a été malaxée, ruminée, remâchée, réinterprétée avec le temps, voire occultée. C’est la problématique de la remontée du souvenir.
  • Le non dit. Il existe dans l’exposé de la plainte, il existe tout autant dans la réponse qui est faite aux questions du médecin.

Pourtant ce travail d’anamnèse est essentiel car il peut entraîner le médecin sur une fausse piste. Et c’est tout l’Art du médecin, de savoir discerner ce qui se cache derrière les mots du patient.

L’anamnèse pour le médecin

Sa quête est bien différente, puisque sa principale préoccupation est le diagnostic. C’est pour cela qu’il pose des questions dont la nature et l’ordre répondent à des schémas qui sont propre au raisonnement intellectuel de chaque médecin. Il est intéressant de voir, notamment dans les exercices de régulation au téléphone, que chaque médecin a une stratégie précise qui lui est personnelle. Mais tout médecin en observant un confrère effectuer son anamnèse comprend parfaitement le sens de chaque question et ce qu’il recherche. C’est en cela que le raisonnement du médecin, en explorant une sorte d’arbre diagnostic répond à une démarche scientifique.

Mais au cours de ce son anamnèse, le médecin recueille d’autres éléments plus subtils qui sont de nature à nouer les éléments intimes et humains de la relation : le simple témoignage d’une empathie, la recherche du sens que revêt pour le patient le « choix » de la maladie ou des symptômes, l’évaluation des « bénéfices secondaires éventuels », l’inscription de la plainte du patient dans son contexte familial, personnel et professionnel, la création d’un lien thérapeutique fondé sur la confiance mutuelle, et parfois le sentiment humain et narcissique de se sentir un « bon médecin ». Toute cette richesse de la relation médecin-patient dépend du supplément d’âme du médecin, de son humanité et de la conception qu’il se fait de son métier. La médecine est un Art dont l’un des outils est la science.

Et puis, le médecin a toujours en ligne de mire son but ultime qui est le soulagement, le soin, voire… la guérison de son patient. Dans son anamnèse, il va pour cela mettre en place de façon très discrète les éléments de l’examen clinique qu’il va effectuer par la suite et dont certains ne sont pas forcément triviaux (examen gynécologique, toucher rectal…), et du [traitement] qu’il va prescrire, un peu comme s’il préparait le patient à cette éventualité. Il va également instiller de façon plus ou moins consciente dans le cerveau du patient la notion de confiance. Sans confiance minimum, il n’y a pas [d'effet placebo]. Or il faut savoir, on le reverra, que dans l’efficacité du traitement, au moins 30% repose sur la puissance de cet effet.

Le cerveau du médecin doit effectuer un perpétuel va-et-vient entre plusieurs éléments :

  • Transformer la plainte exprimée par le patient en des symptômes recevables
  • Envisager les diagnostics possibles en rapprochant les symptômes (ce qu’on appelle le « diagnostic positif »), en évaluant de façon très approximative leur probabilité
  • Eliminer les diagnostics peu vraisemblables ou sans objet (ce qu’on appelle le « diagnostic différentiel »),
  • Evaluer la gravité de la situation
  • Evaluer le retentissement de la maladie et des symptômes dans la vie de la personne
  • Nouer une relation de confiance avec son patient
  • Préparer les ingrédients de l’effet placebo.

L’anamnèse à plus d’un titre est donc le moment incontournable et essentiel qui va conditionner la suite de la consultation, voire de la relation qui va s’étirer sur plusieurs années et que chaque consultation peut remettre en question à cet instant précis.

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1 reponse à “L’anamnèse, une certaine histoire de la maladie”

  1. Anonyme dit :

    merci pour vous conseils
    aujourd’huit ( inchallah – si le dieu veux ) je vais faire ma première observation médical autant que étudiante, je vois bien on préparant que la médecine c est vraiment un art ….

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