Un nouveau paradigme : la santé 3.0

sur Definitions a déjà un commentaire!


 

La santé 3.0 est à la santé ce qu’est la médecine 3.0 à la médecine et le web 3.0 au web. C’est une vision nouvelle et récente (moins de 20 ans) de la santé, fruit de l’interaction entre l’individu, la société et les machines communicantes.

Ce nouveau paradigme amène pour la première fois l’individu à prendre sa santé en main grâce aux machines, et cela indépendamment de toute loi éthique ou médico-sociale et de tout pouvoir médical. La conception moderne de la santé ne peut désormais s’affranchir de la prise en compte de cette triple dimension.

Comme le dit fort justement Dominique Dupagne, les notions de 1.0, 2.0, etc. ont quelque chose d’irritant car très tendance, et emprunté au discours informatique ambiant. Mais puisque ces termes existent et servent de repère pour construire une réflexion, on ne peut plus se passer de leur utilisation pour modéliser la pensée.

Le terme de « santé » pose déjà le problème de sa définition. Celle de Leriche, peut-être un peu ancienne et  insuffisante a toutefois le mérite de rester vraie en toute circonstance : « la santé est le silence des organes ». Comme on l’a vu dans ZeBlog Santé, ce terme a varié dans son exigence : » la santé c’est être en bonne santé » ; » la santé est un droit » ; « mourir en pleine santé ». Le terme de santé est donc une notion évolutive, et notre société ne la conçoit que perpétuellement  positive sans envisager la possibilité d’une régression. Or, rien n’est jamais acquis en matière de santé : la réapparition de la rougeole autrefois éradiquée est un exemple.

Autre exemple, les multirésistances des bactéries sont un signe d’alerte, car si on ne découvre pas de nouvelles molécules, nous risquons dans quelques années de mourir à nouveau de maladies qu’on avait totalement contrôlées grâce à l’antibiothérapie. Il faut donc envisager la santé telle qu’elle est hic et nunc, et non pas telle que nous pensons qu’elle peut évoluer.

Qu’est-ce que la santé 3.0 ?

La notion de santé 2.0 est très récente (2004), et en raison de sa jeunesse souffre d’un manque de modélisation. Cette notion un peu tendance est en fait déjà dépassée, car nous faisons de la santé 2.0 depuis des siècles sans le savoir : la vision participative de la santé existe depuis longtemps avec les remèdes de « bonne femme » (en fait au sens littéral, de « bonne fame », c’est à dire de « bonne réputation »).  C’est la raison pour laquelle je propose la notion de santé 3.0, qui tout comme le web 3.0 et la médecine 3.0 est une notion encore plus récente. Elle est le fruit de l’introduction vers les années 80 avec le minitel, des machines communicantes directement accessibles au public. Ces machines ont évolué, et, au travers du web et des réseaux sociaux ont bouleversé la conscience que l’homme a désormais de sa santé. Voici les bases de réflexion que je propose et que j’ai résumées dans le schéma ci-dessous :

  • La santé 1.0 est à mon sens la conscience que l’individu a de lui-même de son état de santé. C’est une vision totalement individuelle sans autre partage que les personnes que l’individu rencontre. L’individu baigne dans un environnement avec lequel il a des interactions qui vont interférer avec lui. Ainsi sommes-nous soumis à l’air que nous respirons, l’eau et la nourriture que nous ingérons, aux personnes que nous cotoyons. Notre vision de la santé 1.0 s’améliore de jour en jour, puisque nous connaissons de mieux en mieux les principes qui nous gouvernent, la transmission des maladies des uns aux autres, et les rapports que nous entretenons avec les micro-organismes et avec notre environnement. La santé 1.0 est donc un processus moderne, évolutif et qui restera toujours à explorer. Le 1.0 n’exclue pas l’intelligence des outils : par exemple, le logiciel Watson (1) développé par IBM est un gigantesque moteur de recherche intelligent alimenté à partir des données scientifiques ; mais comme il n’inter réagit pratiquement pas avec les patients, on ne peut considérer que c’est du 2.0, et encore moins du 3.0 puisque ce n’est pas un système auto apprenant.
  • La santé 2.0 est la conscience que l’individu et la société ont de l’état de santé de l’individu et du « corps social » que constitue la communauté des hommes. D’individuelle, la vision devient sociétale. La santé de ce corps social interagit avec l’individu, et réciproquement. Ainsi, notre santé devient directement dépendante des interactions que les individus ont entre eux et des règles qu’ils définissent pour régir ces interactions. Cette vision introduit donc fortement la notion d’éthique et de législation. La législation sur la bioéthique, sur l’euthanasie, sur la thérapie génique, est le fruit des avancées de la santé 1.0, mais également de la nécessité que la société a de poser des limites et des axes de réflexion. La santé 2.0 est donc l’interaction individu-société. Elle a toujours existé, mais son champ d’application était limité puisque notre pouvoir sur le vivant était restreint. En raison de l’extraordinaire pouvoir de la science sur nos cellules et sur notre génome, cette santé 2.0 est à présent au cœur de tous les débats éthiques.
  • La santé 3.0 est l’introduction au sein de ce couple individu-société, d’un troisième larron qui est la machine. Cette notion a toujours existé, ne serait-ce que parce que les médecins ont toujours utilisé des outils pour comprendre le vivant et agir sur lui. Mais la dimension fondamentale qu’ont apportée les dix dernières années a été la numérisation du vivant rendue possible par l’informatique. Cette numérisation permet la dématérialisation des images, leur manipulation dans l’espace, et l’envoi par internet. La connaissance que nous avons de l’individu, de la société, et du rapport entre l’un et l’autre a apporté une dimension nouvelle. Cela fait longtemps que nous ne sommes plus dans la santé 2.0 : nous sommes déjà en pleine exploration de la santé 3.0.  La machine intervient de plus en plus dans notre organisme indépendamment de notre volonté : par exemple un défibrillateur implantable se déclenche sans le contrôle du médecin : c’est la machine qui détecte l’arrêt du cœur et provoque le choc électrique de sa propre initiative. C’est une notion nouvelle. Autre exemple : la connaissance que nous pouvons avoir, grâce aux machines, de l’évolution d’une épidémie, peut modifier nos comportements, exactement comme ces pétroliers dont la route n’est plus calculée par le capitaine, mais par les ordinateurs en fonction des fluctuations du marché. La santé 3.0 est donc l’interaction individu-société-machine. C’est un chantier considérable en devenir, dont le web 3.0 est l’un des instruments, et la médecine 3.0 le champ d’application.

Conséquences de ce concept

Voici quelques points d’ancrages pour commencer la réflexion sur ce qu’est la santé 3.0 :

  • La santé 3.0 donne à l’individu les moyens d’agir sur sa propre santé, en dehors du pouvoir des médecins et en toute légalité et indépendance. Le simple fait qu’un patient avant d’aller voir son médecin, aille sur internet pour imaginer le diagnostic du mal dont il souffre est déjà de la santé 3.0., si et seulement si les machines et les sites qu’il consulte sont des outils 3.0. En effet, il confère à la machine le pouvoir de lui dicter sa conduite, et cela avec la bénédiction de la société. Une telle démarche, ne serait-ce qu’il y a une trentaine d’années aurait pu être étiquetée « exercice illégal de la médecine ».
  • La santé 3.0 donne à la société le moyen de savoir comment évolue la santé de chaque individu : le DMP, l’épidémiologie en temps réel, la géolocalisation des individus, sont des fonctions de la santé 3.0.
  • La santé 3.0 donne à la machine un pouvoir de décision qui peut entraîner des actes (les défibrillateurs implantables, mais aussi les robots pour certaines interventions chirurgicales…) ; elle peut  également provoquer des modifications de comportement (le suivi d’une épidémie en temps réel par le web, est susceptible d’entraîner des changements de comportement ou des mouvements  de populations entières). La société doit pouvoir encadrer grâce à des lois des actes qui auront été créés par l’autonomie de pensée de machines.

Bien d’autres points d’ancrage sont à développer. Le débat est ouvert !

 

Liens intéressants

(1) Logiciel Watson : l’intelligence artificielle au service de la médecine

Tags: , , , , ,

1 reponse à “Un nouveau paradigme : la santé 3.0”

  1. [...] vers un passage de la medecine à la santé 2.0  [...]

Laissez un commentaire Un nouveau paradigme : la santé 3.0 - Ze...