Régulation médicale, un exercice à risque

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Le terme de régulation médicale est assez récent qui remonte à environ une quarantaine d’années.

Il consiste à trier les appels et à décider le type de secours adapté qu’il lui faut envoyer auprès du patient. Cet exercice est périlleux et nécessite une grande expérience de praticien. La régulation dans le contexte économique actuel devient une nécessité croissante.  Elle nécessite professionnalisme et aide par des outils adaptés.

Discussion initiale

S’agit-il d’un acte médical ou d’une pratique médicale ? La différence est importante à souligner.

  • L’acte médical comprend une action (physique ou non) et une décision. Elle engage donc la responsabilité de celui qui le pratique. C’est ce qui se passe dans tous les standards de Permanence des Soins (Samu, régulations libérales) où se trouve un médecin régulateur au téléphone.  Le médecin régulateur doit d’ailleurs depuis 2004  disposer d’une RCP (Responsabilité Civile Professionnelle) qui couvre cette activité.
  • La pratique médicale, elle,  peut se passer d’acte puisqu’elle peut se limiter à l’avis ou au conseil. Il y a donc dans la régulation médicale un aspect qui est celui du simple conseil : pas de décision sur l’envoi de secours, mais simplement conseils donnés par téléphone. Mais cette pratique est en fait un acte en creux, puisque le fait de décider de ne pas envoyer de secours est en soi une décision, donc un acte.

On peut donc en toute logique considérer que toute prise d’appel au téléphone par un médecin constitue un acte médical qui engage sa responsabilité.

Déroulement

La régulation consiste à évaluer par le simple interrogatoire l’état d’un patient, et de choisir les moyens les mieux adaptés pour lui porter secours. D’autres définitions, plus complètes, plus officielles existent, nos amis anglos saxons disposant d’une formule lapidaire très efficace pour résumer la question : « the right patient to the right place at the right time  » (le bon patient vers le bon endroit et au bon moment).

En pratique on appelle également cela du « triage ». En effet, il faut considérer qu’un centre d’appel de Permanence des Soins  reçoit un flux ininterrompu et non modulable d’appels en provenance de patients dont l’état de santé leur fait considérer comme nécessaire le fait de demander la venue de secours. Face à cette demande, le plus souvent dans un contexte de stress et d’urgence, le médecin doit rapidement être en mesure de faire plusieurs choses en même temps :

  • Evaluer l’urgence. Il existe 3 types d’urgence :
    • L’urgence réelle (on estime que cela représente 3% des appels)  : soit le pronostic vital est en jeu, soit le degré de souffrance ou de gravité est tel qu’il nécessite la présence d’un médecin dans des délais rapides (variables selon le contexte géographique et saisonnier.
    • L’urgence ressentie : c’est le patient qui estime (à tort ou à raison), que la présence rapide d’un médecin est nécessaire ou que sa vie est en danger ou que son mal n’est plus supportable. Cela représente au moins 65% des appels
    • L’urgence exprimée (environ 30% des appels), la plus souvent nocturne, où le patient a besoin de la présence d’un médecin hic et nunc, pour exprimer un problème qu’il sait ne pas être urgent, mais dont la nécessité d’en parler lui paraît absolue.
  • Prendre une décision et définir les moyens adaptés pour la mettre en œuvre :
    • Envoi de moyens médicalisés urgents (SMUR)
    • Envoi d’un médecin généraliste ou spécialiste dans des délais souhaitables
    • Orientation vers un hôpital, soit par ambulance, soit avec les propres moyens du patient
    • Conseils d’automédication ou de remédication et décision de laisser le patient à domicile

Les risques

Ils sont très importants au plan médicolégal. En particulier parce que la décision est généralement peu rattrapable. Autant celle de laisser la personne à domicile peut être rattrapée en cas d’aggravation de son état, à la condition que dans l’intervalle la situation ne se soit pas trop dégradée ; autant envoyer à la réflexion le samu alors qu’une ambulance simple est en route peut s’avérer plus difficile. En effet plusieurs éléments concourent à cette difficulté :

  • Mauvaise appréciation de la situation en raison de l’absence de contact physique
  • Problème de compréhension (langue, mots employés…)
  • Manque d’informations fournies par le patient
  • Non dits du patient, ou au contraire affabulation pour hâter la venue des secours
  • Fatigue après plusieurs heures de régulation

Les risques encourus par le patient sont une mauvaise prise en charge de son problème ; le risque pour le médecin est une plainte juridique en retour. Sur ce dernier aspect, le risque ne peut aller qu’en augmentant en raison de la [judiciarisation] de la médecine.

Les aides

Face à ces difficultés, il faut des moyens pour soutenir l’action du régulateur. La régulation vue par l’oeil du [3.0] montre une lente évolution :

  • La régulation étant une pratique assez récente, les actes de régulation ont été pendant longtemps régulateur-dépendants. Cette régulation 1.0 est celle d’un régulateur qui ne compte que sur sa propre expérience, et sur un soutien minimal (un Vidal, des adresses et des téléphones, et éventuellement un dictionnaire médical). C’est encore le  cas dans de nombreuses régulations.
  • Par la suite des guide line, c’est à dire des sortes de guide des protocoles et des recommandations ont été mis en place. C’est un ensemble de recommandations, et des arbres décisionnaires pour chaque symptôme ou pour chaque situation d’urgence. Ces outils, généralement papier, rarement intégré à l’outil informatique de prise d’appel, ont été mis en place au fur et à mesure grâce à la confrontation des expériences. Cette régulation 2.0 est encore peu développée,  le Samu et certaines régulations libérales seulement disposant de ce type de protocoles d’interrogatoire.
  • L’Ordre des Médecins dans son Livre Blanc sur la télémédecine de Décembre 2009, a ouvert une voie importante, puisqu’il estime utile que les régulations puissent se faire assister par des systèmes experts d’aide à la régulation. Comme on le verra dans le chapitre qui y sera consacré, ce type d’outil informatique permet au régulateur  pour chaque symptôme ou situation urgente de poser les questions importantes. Grâce à celles-ci, il aboutit rapidement à une proposition de l’ensemble des diagnostics probables avec leur niveau de probabilité, de la décision souhaitable et des conseils à donner au patient en attendant la venue des secours. La traçabilité et l’intégration des retours d’expérience dans ce système permet d’en faire un système intelligent. La connexion de ce système expert utilisé par diverses régulations permettra de l’améliorer au fur et à mesure. Nous serons alors dans la régulation 3.0.

Ce système existe t-il ?

Vous le saurez en consultant les  mardis de ZeblogSanté le 15 Novembre 2011.

A bientôt

 

 

 

 

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