Le consumérisme médical, un ver dans le fruit ?

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Le citoyen  est désormais passé du statut du patient à celui de consommateur. Ainsi est né aux USA le consumérisme médical. Les conséquences sont loin d’être négligeables.

C’est d’abord la relation médecin-patient qui est touchée, mais également la notion même de soins, qui introduit l’idée de qualité. Tout n’est donc pas négatif dans le consumérisme médical. Mais comme en toute chose, tout est affaire de mesure.

Les mauvais côtés

  • Le patient est devenu un consommateur de soins et le médecin est assimilé à un prestataire de services. Le médecin a une obligation de moyens, mais il va devoir peu à peu avoir une obligation de résultat. C’est de cette façon qu’un nombre croissant de patients envisagent la relation médecin-patient. La demande de soins n’est plus seulement la guérison, mais le besoin de rester en bonne santé. La santé est devenu un droit légitime puisqu’on paye des cotisations sociales. Les rapports ont donc évolué et se sont tendus. D’où une [judiciarisation] progressive des relations entre les médecins et les patients lorsque ce nouveau contrat médical semble ne pas avoir été respecté. Ce qui est une réalité quotidienne Outre-Atlantique où les avocats battent la semelle au pied des cliniques et des hôpitaux, s’installe peu à peu en France. Seule notre protection sociale fondée sur une réglementation des actes et des pratiques, et l’existence d’un Ordre des Médecins chargé d’instruire les plaintes avant qu’elles soient examinées par la justice, peut en tempérer les effets.
  • Face à cette transformation, le médecin prend ses précautions et a tendance à « ouvrir le parapluie » pour se prémunir d’actions éventuelles du patient à son encontre. Il va donc peu ou prou  appliquer un principe de précaution, dont l’exacerbation aboutit à la recherche du risque zéro, qui est demandé par l’ensemble de la société, et dont les effets pervers sont nombreux.
  • Le consumérisme a un autre travers, c’est qu’il génère une surconsommation :  médicalisation du moindre problème, recours quasi systématique aux médicaments et aux soins, seconds voire triples avis, etc. Cette surconsommation accélère le déficit de l’Assurance Maladie. Mais comme celle-ci se désengage peu à peu et que les mutuelles sont bien forcées de prendre le relais, le coût de protection sociale s’envole, et de plus en plus de gens sont laissés au bord de la route sans une protection assurance maladie suffisante.

Finalement, au lieu de créer de la qualité, le consumérisme médical risque au final de diminuer l’accès à des soins de qualité pour tous et creuse l’écart entre des médecines à deux, voire trois vitesses.

Les bons côtés

  • Mais à l’inverse, le consumérisme a de bons côtés car il oblige à réenvisager la qualité comme une nécessité. Ainsi, le patient peut recevoir une information claire, il dispose d’un temps de réflexion qui lui permet – hors le contexte de l’urgence extrême – de faire son choix pour des prestations de qualité. La publication du Top 10 des meilleurs hôpitaux et Services hospitaliers obligent les médecins à introduire sans cesse plus de qualité au risque si ce n’est pas le cas, de nuire à la bonne marche du système hospitalier.
  • Une chaîne de contrôle est alors nécessaire afin de vérifier que l’ensemble de la prestation est correcte. Cela permet de diminuer les dysfonctionnements et d’améliorer les soins.
  • Le consumérisme introduit également la notion de marché qui au plan économique a des effets positifs : création d’emplois dans ce secteur, dynamique de création de produits et services dans le secteur médical, exportation des techniques à l’étranger, amélioration de l’état de bonne santé en fin de vie et donc moins de dépenses, etc.

Et donc le consumérisme a du bon…!

Mais en fait …

  • Mais en fait se pose la question de savoir si l’introduction du facteur économique au sein de la relation médecin-patient est une bonne chose au plan philosophique et au plan éthique.  Il y a dans le choix qu’ont fait les médecins d’apporter du soin et du réconforts à ceux qui souffrent, un principe d’humanité qui rend la dureté de la vie un peu plus supportable. Le médecin est toujours en aval du patient, à l’écoute de sa souffrance, et le choix qu’il a fait de ce métier plutôt qu’un autre montre l’altruisme de son engagement, même si l’on peut avec cynisme considérer que certains médecins considèrent leurs patients surtout comme des clients. L’introduction du mot « patientèle » au lieu du mot « clientèle » montre bien le souci qu’il y a eu de recadrer l’exercice médical. Le consumérisme est donc étranger à la philosophie même de l’acte médical et à l’humanité dont il témoigne.
  • Par ailleurs, limiter la relation médecin-patient à une seule relation de prestation de services est-elle un bien pour le patient ? En effet,  introduire un regard critique sur l’acte médical qui est destiné à soigner, revient à exercer une pression négative sur la façon dont on reçoit cet acte. Sans la confiance partagée entre le médecin et le patient, la guérison ou le soulagement sont moins faciles à obtenir. Pour donner une comparaison, plus on se demande quand le sommeil va venir, plus longue sera l’insomnie.

N’y aurait-il pas lieu de dissocier l’acte médical du marché de la santé, qui sont deux choses bien différentes qui nécessitent l’un comme l’autre le respect d’une éthique ?

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