Automédication 3.0

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Automédication signifierait-il « se soigner tout seul ? » Pas sûr ! Et à la réflexion, ce n’est pas du tout cela.

En fait, on dispose d’un seul mot pour définir plusieurs choses bien différentes. D’où certaines confusions, craintes ou blocages par rapport à une attitude que nous pratiquons tous, puisque le simple fait de prendre un comprimé pour un mal de tête ou des pastilles pour la gorge constitue une automédication.

Les trois types d’automédication

Il faut bien s’entendre sur les mots, c’est pourquoi je reviendrai sur 3 définitions essentielles pour comprendre la problématique de l’automédication :

  • L’automédication primaire est la démarche connue depuis la nuit des temps, et qu’on pourrait résumer par le racourci : « mal de tête-aspirine« . Le simple fait, de décider hors de tout avis médical, de prendre un médicament pour se soulager d’un symptôme est un acte d’automédication. Cette automédication primaire, très longtemps décriée par le corps médical, est désormais inscrite dans les textes de loi avec le décret sur l’automédication et la mise à disposition du public en pharmacie des médicaments de « médication familiale ». Elle permet de soulager un symptôme quelconque, dans des limites précises, sans que le moindre diagnostic ait été porté. Le médecin est donc absent de cette boucle, ce qui a tendance à l’agacer.
  • L’automédication secondaire est une démarche consistant à se soulager d’un symptôme précis dans le cadre d’une maladie déjà diagnostiquée. Ce qu’on pourrait résumer par le raccourci : « migraine-aspirine« . La nuance est importante avec l’exemple précédent, car dans ce cas, la personne prend de l’aspirine  par rapport à un diagnostic précis et selon un protocole établi par le médecin et porté à la connaissance du patient.  Ce type d’automédication a plus la faveur des médecins, car ceux-ci interviennent dans la boucle et peuvent agir dessus, ce qui n’est pas le cas dans l’automédication primaire.
  • L’automédication tertiaire est fonctionnelle depuis très longtemps, parfaitement acceptée par le médecin, et concerne les maladies chroniques. Ce qu’on pourrait résumer par le raccourci : « migraine récidivante-triptans« . Elle passe par ce qu’on appelel « l’éducation thérapeutique du patient ».

Les démarches d’automédication secondaire et tertiaire sont essentiellement du domaine de l’automédication 1.0, c’est à dire de l’individu dans le cadre de la relation médecin-patient. Mais comme on le verra plus loin, l’automédication primaire, apparemment la plus accessible, mais qui par définition est la plus difficile à maîtriser, ne peut se concevoir que dans l’optique de l’automédication 3.0.

Qu’en est-il de l’automédication 2.0 et 3.0 ?

L’automédication 1.0

Elle a toujours existé grâce aux remèdes de grand-mère (appelés aussi remèdes de « bonne fame »), de pertinence plus ou moins grande, et souvent fondée sur une sorte de pensée magique. Par la suite, et dès la fin du XIXème siècle sont apparu des recueils rédigés par des médecins. Ensuite sont apparus les formats papier (les encyclopédies médicales, les guides divers comme le Vidal de l’Automédication, les magazines, etc.), certaines émissions radio ou télévisuelles non interactives, les supports off-line (CD roms), puis le minitel et internet (de nombreux sites fournissent des conseils plus ou moins pertinents), .

  • Cette automédication est une démarche individuelle fondée sur l’expérience personnelle, et à partir d’une connaissance très parcellaire. Livré à lui-même ou à des sources d’information dont il n’a pas vérifié la pertinence, le patient peut aboutir à des erreurs importantes que stigmatisent les médecins. A moins d’être très bien informé, une automédication 1.0 est dangereuse si la personne ne met pas strictement en oeuvre les règles de l’automédication. Le danger est important si la personne cède à la tentation de l’autodiagnostic qui est le piège classique de l’automédication.
  • En revanche, si elle est bien menée, l’automédication est une très bonne chose :
    • d’abord elle permet à l’individu de prendre en charge la dimension symptomatique de son mal, et d’une certaine façon de le démédicaliser en lui enlevant le côté fantasmatique de la maladie et du diagnostic ;
    • ensuite, elle permet dans un contexte de [désertification médicale], de soulager le médecin de consultations inutiles, l’organisme étant dans bien des cas capable de se guérir tout seul : la phrase bien connue « un rhume bien soigné est guéri en 7 jours, alors qu’un rhume mal soigné dure 1 semaine » !
  • enfin elle participe de l’amélioration des comptes de l’Assurance Maladie : le coût réel d’une consultation de jour chez le médecin (consultation, ordonnance, examens, indemnités journalières) est de 125 € (d’après les chiffres ONDAM 2008).
  • Il est donc clair que l’automédication 1.0 nécessite une information éclairée pour être bénéfique. C’est la raison pour laquelle l’automédication 1.0 telle qu’elle est pratiquée dans les supports actuels est dépassée.

L’automédication 2.0

Elle est d’apparition beaucoup plus récente avec les émissions radio et télévisuelles interactives entre des experts et le public, et par la suite grâce aux forums et aux réseaux sociaux. L’individu, grâce à ces nouvelles technologies est en prise directe avec la société qui véhicule une foule d’informations en temps réel, souvent fondées sur les rumeurs, les idées reçues, voire les légendes urbaines. Il suffit de consulter les forums santé sur internet dont la modération est sauf exception très insuffisante voire absente, pour constater les inepties qu’y déversent bien souvent des gens bien intentionnés mais très mal informés. On trouve par exemple dans un forum très connu, que pour soulager une brûlure, il suffit de se passer immédiatement la main dans les cheveux !

  • Cette automédication est le fruit de l’interaction directe entre l’individu et la société.  L’individu est plongé dans une jungle d’informations souvent contradictoires ou éronnées où les dérives sectaires sont fréquentes, notamment pour la guérison de maladies graves. La confiance parfois aveugle que l’individu apporte à son réseau peut l’amener à des erreurs importantes.
  • Il est essentiel de comprendre que les informations actuelles d’automédication s’inscrivent dans un cadre général, mais ne peuvent s’appliquer telles quelles à un individu sans approximations importantes. Par exemple, la plupart des médicaments d’utilisation courante présentent des contre-indications et ne sont pas utilisables par tous. L’automédication doit donc être personnalisée. Or les conseils fournis par le web 2.0 et la santé 2.0 restent généraux et ne prennent pas en compte la dimension personnelle. Ils sont donc potentiellement porteurs d’un risque individuel non négligeable.
  • On voit que tout comme pour la santé ou le web, l’automédication 2.0 n’est qu’une phase de transition, nécessaire mais qui doit rapidement évoluer en y introduisant des notions indispensables d’éthique, de fiabilité et de personnalisation de l’information.
  • L’automédication primaire est absolument impossible avec l’automédication 2.0, car elle ne prend pas en compte la spécificité de l’individu.
  • L’automédication secondaire et tertaire sont compatibles avec l’automédication 2.0, car un médecin reste toujours dans la boucle, ce qui tend à garantir une certaine fiabilité et surtout une personnalisation, laquelle n’est possible que dans le cadre d’une automédication 3.0.

L’automédication 3.0

C’est ce vers quoi on doit tendre, grâce à l’apparition de systèmes experts intelligents, en mesure de prendre en compte la complexité de l’individu. Le système expert de 3ème génération que j’ai développé est en mesure de faire cela. Il évalue à partir du recueil des symptômes entrés par le patient la gravité d’une situation, les diagnostics possibles avec leur probabilité, les gestes à faire et ne pas faire et les médicaments à prendre en automédication primaire ou secondaire. Ce système est le seul existant en mesure de faire de l’automédication 3.0, puisqu’il prend en compte la situiation personnelle de chacun.

  • Ce type de système expert entre dans le cadre de la pensée 3.0. et doit s’intégrer dans le cadre éthique du  web3.0 qui garantit l’anonymat du patient tout en permettant de faire de l’épidémiologie en temps réel.
  • La question se posera des échanges de données entre machines intelligentes et du recoupement qu’elles pourront en faire, notamment dans le cadre du DMP 3.0 .

On pourra alors faire en toute sécurité ce qui est le plus difficile à contrôler, l’automédication primaire, soit donc celle qui consiste à prendre en toute sécurité un cachet d’aspirine si on a mal à la tête.

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2 Réponses à “Automédication 3.0”

  1. Anonyme dit :

    BONJOUR
    je suis entrain de mettre en place un projet Informatique d’automédication. je suis informaticien et j’ai besoin d’une aide d’un expert comme vous

  2. Anonyme dit :

    Bonjour,

    Je suis actuellement en formation d’infirmier en 3eme année, je réalise mon mémoire de fin d’étude sur l’automédication des patients hospitalisés atteints d’une pathologie chronique. J’aurais aimé vous posez quelques questions sur votre article et l’automédication.
    Dans l’attente de votre réponse;
    Cordialement Lilian

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